L’Autorité de surveillance des marchés de matières premières (« ROHMA », d’après son nom en allemand « Rohstoffmarktaufsicht ») est une institution de droit public dotée de sa propre personnalité juridique et compétente en matière d'application de la loi sur les matières premières (LMAP).
En tant qu'autorité de surveillance indépendante, la ROHMA régule les activités des sociétés du secteur des matières premières actives en Suisse. Cette régulation vise à développer la responsabilité des sociétés de ce secteur, à minimiser la malédiction des ressources et à aider les pays en développement riches en ressources naturelles à mobiliser ces richesses pour leur développement et dans leur lutte contre la pauvreté. La ROHMA contribue à défendre la réputation et l’intégrité de la place suisse des matières premières, et participe ainsi au maintien de conditions-cadres concurrentielles.
La ROHMA est dotée de pouvoirs étendus sur les sociétés extractives, les sociétés de négoce et les raffineries d’or. Elle octroie des autorisations pour l’exercice de ces activités. Elle s'assure que les assujettis respectent les lois, les ordonnances, les directives et les règlements qu’elle édicte et qu’ils remplissent les conditions dont dépend l'octroi de leurs licences. La ROHMA est compétente pour édicter des mesures destinées à empêcher que des flux de matières premières sales – c’est à dire des matières premières acquises de façon illégale (volées ou obtenues par le biais de la corruption) – pénètrent les circuits commerciaux ; elle assure la transparence des paiements des sociétés du secteur des matières premières aux gouvernements des pays d’origine de celles-ci ; elle développe des devoirs de diligence destinés à garantir que les sociétés suisses du secteur des matières premières n’entretiennent pas de relations d’affaires problématiques avec des personnes exposées politiquement (PEP), s’assure de leur respect et combat les pratiques d’optimisation fiscale agressives dans le secteur des matières premières. La ROHMA octroie l’entraide administrative aux autorités de régulation étrangères, applique les sanctions internationales (respect des embargos), poursuit et sanctionne les comportements délictueux et, s’il y a lieu, retire les licences aux sociétés fautives.
Objectifs stratégiques
Les missions de la ROHMA sont consignées dans la loi sur l’Autorité de surveillance des marchés de matières premières (LROHMA) et dans la loi sur les matières premières (LMAP). Le cadre légal laisse aussi une marge de manœuvre à la ROHMA. Ses objectifs stratégiques déterminent la manière dont elle fait usage de cette marge de manœuvre et les priorités qu’elle se fixe pour remplir son mandat légal. Le conseil d'administration de la ROHMA définit les objectifs stratégiques et les soumet au Conseil fédéral pour approbation.
Gouvernance d’entreprise, code de conduite et protection des lanceurs d’alerte
La ROHMA fonctionne de manière indépendante sur les plans fonctionnel, institutionnel et financier. Elle est dotée d'une structure moderne comprenant un conseil d'administration, une direction et un organe de révision externe, le Contrôle fédéral des finances (CDF). En contrepartie de son indépendance, la ROHMA a l’obligation de rendre compte de son activité. Elle est soumise à la haute surveillance politique de la Confédération. Les décisions de la ROHMA peuvent par ailleurs faire l’objet de recours devant les tribunaux compétents.
La ROHMA exige de ses collaborateurs et collaboratrices qu’ils fassent preuve d’intégrité et s'abstiennent de tout comportement susceptible de nuire à sa réputation et à sa crédibilité. Le code de conduite édicté par la ROHMA prescrit des règles strictes, notamment en ce qui concerne la gestion des conflits d'intérêts pouvant résulter d'une activité au sein de la ROHMA. Il concerne toutes les personnes travaillant pour la ROHMA, soit les membres du conseil d'administration ainsi que l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices, fixes ou temporaires.
Le secteur des matières premières, les sociétés qui y sont actives ou leurs employés ne sont pas « immunisés » contre les comportements illégaux ou contraires à l’éthique. A des fins préventives, pour protéger le secteur et garantir son intégrité, il est décisif d’obtenir des informations privilégiées de sources internes au secteur sur les opérations problématiques. La ROHMA a par conséquent pris des mesures de protection des lanceurs d’alerte, afin que ceux-ci puissent dénoncer les comportements illégaux ou problématiques. La ROHMA a mis en place des procédures garantissant la confidentialité et la protection (y compris des données) des lanceurs d’alerte. La loi sur les matières premières (LMAP) exige par ailleurs que les sociétés assujetties disposent elles-mêmes de mécanismes destinés à protéger les lanceurs d’alertes et qu’elles rapportent les agissements de tiers en cas de soupçons.
Les origines de la ROHMA et ses bases juridiques
En tant que pays hôte de sociétés actives – et parfois dominantes – dans des pays victimes de la malédiction des ressources, la Suisse a la responsabilité de prendre des mesures proactives pour lutter contre celle-ci. Dans son « rapport de base matières premières » (PDF, 1.0 MB) publié le 27 mars 2013, le Conseil fédéral a reconnu les problèmes posés par les activités du secteur des matières premières et la nécessité d’y remédier, en relevant que « l'importance croissante du secteur lance [des] défis sérieux, notamment en rapport avec les droits de l'homme et la situation environnementale dans les pays exportateurs, la lutte contre la corruption et le phénomène dit de la « malédiction des matières premières » dans des pays en développement. »
Des risques pour la réputation de certaines entreprises et de la Suisse elle-même sont liés à ces défis, notamment si le comportement d'entreprises domiciliées en Suisse devait se démarquer des positions défendues et soutenues par la Suisse dans les domaines de la politique de développement, de la promotion de la paix, des droits de l'homme ainsi que des standards sociaux et environnementaux ». La publication de ce rapport a suscité un important débat public et parlementaire. Au printemps 2013, les Chambres fédérales ont adopté deux lois : la loi sur les matières premières (LMAP) et la loi sur l’Autorité de surveillance des marchés de matières premières (LROHMA). Le référendum annoncé n’ayant pas abouti, ces deux lois sont entrées en vigueur au 1er avril 2014. La ROHMA, en construction depuis le 1er janvier 2014, a alors commencé ses activités.
La loi sur les matières premières (LMAP)
La loi sur les matières premières règle les activités des sociétés de ce secteur. Elle précise les activités nécessitant l’octroi d’une licence par la ROHMA, les obligations des sociétés assujetties, ainsi que les activités auxquelles celles-ci n’ont pas le droit de se livrer.
Les opérations de négoce sont notamment interdites lorsque les matières premières qui en sont l’objet :
• proviennent d’un crime (par ex. des matières premières volées),
• sont obtenues de façon illégale (p. ex. au moyen d’opérations de corruption ou sans licences extractives),
• sont obtenues en violation des normes environnementales ou des droits humains,
• obtenues en violation de sanctions internationales (embargos),
• sont commercialisées sans que les pays producteurs n’en retirent un bénéfice approprié.
Par ailleurs, les sociétés assujetties et leurs filiales ont l’interdiction d’effectuer, sans l’autorisation explicite de la ROHMA, des opérations impliquant des personnes exposées politiquement (PEP) ou de faire le commerce de matières premières provenant de zones de conflit, d’Etats faillis ou de territoires occupés.
La loi règle en outre les conditions à remplir pour obtenir une licence de la ROHMA. Elle définit les devoirs des sociétés assujetties, en particulier en matière d’organisation interne, de procédures destinées à satisfaire les devoirs de diligence et de transparence. La surveillance des sociétés assujetties s’effectue par le biais d’audits externes et, au besoin, par des enquêtes menées par le département compétent de la ROHMA. Enfin, la loi précise les conséquences civiles et pénales pour les sociétés assujetties ou leurs employés en cas de violation de leurs obligations.
La loi sur la ROHMA (LROHMA)
La loi sur l’autorité de surveillance des marchés de matières premières règle l’organisation de la ROHMA en tant qu’institution et fixe les instruments de surveillance à sa disposition. Elle énonce les buts de la surveillance des sociétés actives dans le secteur des matières premières, les fonctions et attributions de la ROHMA, précise son organisation et détermine sa structure, ses tâches et ses mécanismes de fonctionnement. La loi énumère aussi les modalités relatives au financement de l’institution et clarifie son autonomie et son indépendance ainsi que ses relations avec les autorités et le Conseil fédéral.
La question des obligations de la ROHMA en matière d’information du public sur ses pratiques de surveillance et sur la situation générale du secteur des matières premières est aussi traitée par la loi. Cette dernière décrit enfin les différents mécanismes d’audit devant être mis à disposition de l’Autorité ainsi que les conditions d’agrément des sociétés d’audit. La loi détaille les mécanismes d’enquête et les mécanismes de sanction des sociétés ayant contrevenu à leurs obligations, en particulier les conditions de confiscation et de liquidation par la ROHMA des sociétés assujetties, l’existence d’une « watchlist » et les mécanismes liés aux chargés d’enquête. La ROHMA peut retirer la licence d'une société assujettie si celle-ci ne remplit plus les conditions requises ou si elle enfreint gravement le droit de la surveillance.
La loi traite également des questions de collaboration en matière d’entraide judiciaire et d’assistance administrative avec les autorités suisses et étrangères. Un chapitre est consacré à la procédure et aux voies de droit permettant de faire recours contre les décisions de la ROHMA.