Lors de la publication de son rapport sur les matières premières en 2013 (PDF, 1.0 MB), le Conseil fédéral a pris la mesure du détournement de la rente des matières premières en relevant le rôle primordial joué par des sociétés helvétiques « dans des régions politiquement instables avec un Etat de droit faible » et dans un marché « peu transparent », dont « la corruption endémique et le vol sapent l’adoption et l’application de législations nationales idoines, de même que le respect de normes et de standards internationaux ».
Dans son rapport, le gouvernement relevait également les risques de corruption élevés du secteur et soulignait que « divers facteurs (par ex. importance des ressources financières en jeu, activités menées essentiellement dans des Etats fragiles) exposent particulièrement le secteur des matières premières au risque de corruption ». Ces risques sont particulièrement élevés lorsque des opérations sont conclues avec des personnes exposées politiquement (PEP).
Conformément à la LMAP et à la LROHMA, la ROHMA a édicté diverses mesures destinées à combattre le détournement de la rente des matières premières et la corruption.
Mesures de la ROHMA contre le détournement de la rente des matières premières et la corruption
La ROHMA dispose de trois types de mesures spécifiques destinées à lutter contre le détournement de la rente des matières premières et la corruption:
1. Mesures obligeant les sociétés actives dans le secteur des matières premières à conduire des procédures de diligence à l’égard de leurs relations d’affaires et destinées à interdire les affaires réalisées avec des PEP sans autorisation explicite de la ROHMA.
2. Mesures obligeant les sociétés actives dans le secteur des matières premières à publier la liste de leurs ayants droit économiques.
3. Mesures anti-corruption.
Principes généraux
- De façon générale, les sociétés actives dans le secteur des matières premières doivent connaître précisément leurs partenaires, déterminer quels sont les ayants droit économiques des sociétés avec lesquelles elles entrent en relation d’affaires, et prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer du caractère irréprochable de leurs activités.
- Dans tous les cas, les relations d’affaires entretenues avec des PEP sont à considérer comme comportant un risque accru.
- Sont considérées comme PEP les personnes qui occupent des fonctions publiques importantes à l’étranger: les chefs d’Etat ou de gouvernement, les politiciens de haut rang au niveau national ou régional, les hauts fonctionnaires de l’administration, de la justice, de l’armée et des partis au niveau national ou régional, les plus hauts organes des entreprises étatiques d’importance nationale, les sociétés et les personnes qui sont proches des personnes précitées pour des raisons familiales, personnelles ou pour des raisons d’affaires.
1. Mesures que les sociétés assujetties doivent prendre à l’égard de leurs relations d’affaires (« know your business partners ») et devoirs d’annonce à la ROHMA des affaires réalisées avec des PEP.
a. Les sociétés assujetties doivent obtenir les noms, les adresses, et une copie des documents d’identité de toutes les personnes physiques qui contrôlent ou disposent de 10% ou plus des parts des sociétés avec lesquelles elles entrent en relation d’affaires. Les sociétés doivent demander à leurs relations d’affaires de les informer de tout changement à cet égard dans un délai de 30 jours. Elles doivent, en outre, vérifier la pertinence des informations qui leur sont transmises.
b. Les sociétés assujetties doivent se renseigner sur l’implication directe ou indirecte de PEP dans les opérations ou la structure d’actionnariat des sociétés avec lesquelles elles entretiennent une relation d’affaires. Toute modification de l’état de fait à ce sujet doit être communiquée à la ROHMA dans un délai de 30 jours.
c. Les sociétés assujetties doivent évaluer activement la validité de toute information requise et prendre les mesures nécessaires si celles-ci s’avèrent fausses ou si des indices montrent que des informations importantes à cet égard ne lui sont pas communiquées. Elles doivent en particulier demander davantage d’informations à leurs relations d’affaires lorsque des indices concordants laissent soupçonner l’existence de l’implication d’une PEP dans une opération. Si tel est le cas et que cela n’a pas été signalé par leur partenaire, les sociétés assujetties doivent mettre un terme à cette relation d’affaires.
d. Pour les activités extractives, les informations évoquées aux points a-c doivent être communiquées à la ROHMA 60 jours avant le début des activités. La ROHMA décide dans un délai de 30 jours si elle entend autoriser cette activité. Elle peut l’interdire ou faire dépendre son consentement de l’obtention d’informations supplémentaires. Lorsque des informations supplémentaires sont requises, la ROHMA en informe la société concernée. Lorsque ces informations sont mises à disposition de la ROHMA, celle-ci dispose de 30 jours pour autoriser ou non les activités envisagées. Si ces informations ne sont pas transmises ou s’il est impossible de les obtenir, la ROHMA peut refuser son autorisation.
e. Pour les activités de négoce, les informations évoquées aux points a-c doivent être communiquées à la ROHMA sur une base mensuelle. La ROHMA les approuve ou elle interdit les opérations conclues. Elle se réserve le droit de décider de ses actions ultérieures, y compris l’examen attentif des opérations litigieuses.
2. Mesures obligeant les sociétés actives dans le secteur des matières premières à publier la liste de leurs ayants droit économiques
a. D’après la LMAP, les sociétés assujetties à la ROHMA doivent publier la liste de leurs ayants droit économiques. Les informations suivantes doivent être communiquées à la ROHMA, qui les publie avant d’octroyer une licence :
- Détails relatifs à tous les ayants droit économiques contrôlant ou détenant 10% des parts d’une société assujettie ou davantage (nom, date de naissance, copies de tous les passeports, détails relatifs à toute propriété immobilière, détenue ou en location). Ces dispositions s’appliquent à toutes les sociétés, qu’elles soient cotées en bourse ou non.
- Détails relatifs à toutes les personnes disposant d’un poste au conseil d’administration ou à la direction d’une société assujettie, ou habilitée à prendre des décisions en son nom (nom, date de naissance, copies de tous les passeports, détails relatifs à toute propriété immobilière, détenue ou en location).
b. La ROHMA doit être avisée dans les 14 jours de toute modification de ces informations.
c. La ROHMA est autorisée à refuser l’octroi d’une licence lorsque les risques de réputation qui en découleraient pour la place suisse des matières premières paraissent trop élevés.
d. Lors de la conclusion de leurs affaires, les sociétés de matières premières sont tenues d’apparaître avec leur raison sociale effective. Les opérations commerciales pratiquées en empruntant la raison sociale d’un tiers (« name lending ») sont prohibées par la LMAP.
3. Mesures anti-corruption
Comme toutes les sociétés suisses, les sociétés actives dans le secteur des matières premières et leurs filiales à l’étranger sont tenues de respecter le droit suisse en matière de corruption, en particulier les dispositions pénales relatives à la corruption active ou passive d’agents publics suisses ou étrangers (art. 322ter à 322octies CP).
Conformément à l’art 102 al. 2 CP, les sociétés sont responsables des délits de corruption qui interviennent du fait d’un défaut d’organisation.
Les mesures suivantes s’appliquent en particulier aux sociétés disposant d’une licence octroyée par la ROHMA :
- Les sociétés assujetties doivent produire une déclaration confirmant que ni elles ni leurs employés n’ont, en leur nom, commis des actes relevant de la corruption d’agents publics étrangers ou d’agents œuvrant pour des organisations internationales pendant, avant ou après le début d’une activité. Les sociétés assujetties doivent également attester du fait qu’aucun de leurs directeurs, managers ou qu’aucune personne n’agissant en leur nom n’a été poursuivie pour corruption au cours des cinq dernières années.
- Si ces déclarations ne peuvent être produites, ou qu’elles ne peuvent l’être que partiellement, les sociétés assujetties doivent déterminer si une situation de corruption probable relative à ses activités a pu exister. Si tel est le cas, une enquête approfondie doit être menée et les autorités de poursuite pénale doivent être informées.
- Les sociétés assujetties doivent disposer d’une organisation interne destinée à prévenir les risques de corruption (entre autres : code de conduite interne, division compliance indépendante, audits externes et internes réguliers des procédures anti-corruption, procédures destinées aux « whistleblowers »). La ROHMA examine régulièrement ces procédures et peut prendre des sanctions à l’égard des sociétés qui ne disposent pas d’une organisation interne satisfaisante.