Matières premières sales et mesures destinées à en empêcher le négoce
Selon la LMAP, les sociétés actives dans le secteur des matières premières doivent se préoccuper des conditions dans lesquelles les matières premières qu’elles achètent sont extraites, produites ou commercialisées. Ces dispositions sont destinées à éviter qu’une société se fasse, intentionnellement ou par négligence, la complice d’éventuels délits commis en amont sur la chaine d’approvisionnement en « blanchissant » des « matières premières sales ».
Par « matières premières sales », on entend des marchandises acquises de façon illégale (volées ou obtenues par le biais de la corruption, par exemple), des matières premières produites en violation des droits humains, ou encore celles dont la vente sert à financer des conflits ou des organisations criminelles.
Si, depuis les années 1990, les intermédiaires financiers sont tenus par des mécanismes légaux de s’assurer que les flux financiers illicites ne pénètrent pas dans les circuits bancaires internationaux, aucun dispositif semblable ne garantissait, jusqu’à l’adoption de la LMAP et la création de la ROHMA, que les flux de matières premières sales soient empêchés de pénétrer les circuits commerciaux.
Les sociétés du secteur des matières premières sont les mieux à même de repérer les transactions suspectes. Pour cette raison, la LMAP oblige ces sociétés à prendre des mesures de diligence spécifiques destinées à empêcher les matières premières sales de pénétrer les circuits commerciaux. Ces devoirs de diligence visent notamment à s’assurer de l’origine licite des matières premières (devoirs de diligence en matière de chaîne d’approvisionnement) et de la probité de leurs partenaires d’affaires (devoirs de diligence destinés à connaître ses relations d’affaires). Ils permettent également de s’assurer que la société n’effectue pas, sans autorisation de la ROHMA, le commerce de matières premières provenant de zones de conflit, d’Etats faillis ou de territoires occupés. L’art. 18 de la LMAP oblige en outre les sociétés qui suspectent ou identifient des opérations réalisées en violation des lois par des entreprises tierces soumises à l’autorité de surveillance (ou des sociétés qui devraient l’être) à les signaler à la ROHMA (devoir d’annonce).
La ROHMA supervise la mise en œuvre de ces mesures de diligence par les sociétés du secteur des matières premières et sanctionne les manquements.
Si une société commercialise des matières premières sales alors que l’application correcte de ses mesures de diligence lui aurait permis de connaître leur origine problématique, elle se rend coupable de « blanchiment de matière premières ». Ce délit pénal est défini dans la LMAP.
Personnes exposées politiquement (PEP)
Conformément à la LMAP, sont considérées comme personnes exposées politiquement (PEP) les personnes qui occupent des fonctions publiques importantes à l’étranger : les chefs d’Etat ou de gouvernement, les politiciens de haut rang au niveau national ou régional, les hauts fonctionnaires de l’administration, de la justice, de l’armée et des partis au niveau national ou régional, les plus hauts organes des entreprises étatiques d’importance nationale, les entreprises et les personnes qui sont proches des personnes précitées pour des raisons familiales ou personnelles, ou pour des raisons d’affaires.
Garantie d’activité irréprochable
Les lois régissant le secteur des matières premières exigent des sociétés assujetties et des personnes qui y sont engagées, en particulier au niveau des organes de direction, qu'elles offrent la « garantie d'une activité irréprochable ». Ces dispositions visent notamment à préserver la réputation de la place suisse des matières premières. Elles concernent les activités passées et présentes de la société assujettie ainsi que les compétences personnelles et professionnelles permettant à une personne d'assurer correctement la direction d'une société assujettie. Le principal critère d'appréciation est le comportement passé de la personne et son activité professionnelle passée et présente au regard de l'activité future envisagée. De façon générale, les sociétés actives dans le secteur des matières premières doivent connaître précisément leurs partenaires, déterminer quels sont les ayants droit économiques des sociétés avec lesquelles elles entrent en relation d’affaires, et prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer du caractère irréprochable de leurs activités.
Malédiction des ressources
La malédiction des ressources est un concept qualifiant la situation des Etats producteurs de matières premières qui ne parviennent pas, en dépit des richesses que celles-ci génèrent, à extraire leur population de la pauvreté. Surmonter la malédiction des ressources représente un énorme défi. Principal pays hôte des sociétés de négoce des matières premières, la Suisse a la responsabilité de s’assurer que ces dernières ne contribuent pas à la malédiction des ressources.
« Watch List » et liste noire
Si la ROHMA constate des manquements aux lois régissant le secteur des matières premières, sa mission première est de veiller à rétablir l'ordre légal. En cas de motifs concrets en ce sens, la ROHMA clarifie, par une procédure, la question de la responsabilité individuelle de certaines personnes dans des irrégularités touchant le droit de la surveillance. C'est par exemple le cas lorsqu'une personne concernée veut à nouveau occuper un poste qui requiert la garantie d'une activité irréprochable. En revanche, s'il n'y a pas lieu d'examiner la garantie d'une activité irréprochable d'une personne ou d’une société, la ROHMA collecte dans une banque de données (watch list) les indications reçues sur d'éventuels comportements répréhensibles. Il faut pour ce faire que les personnes concernées soient susceptibles d'exercer à l’avenir une fonction dirigeante auprès d'une société assujettie.
L'objectif recherché par cette base de données est que seules les personnes offrant la garantie d'une activité irréprochable, aux termes des lois sur les matières premières, se voient confier la gestion ou la direction d'un assujetti ou fassent partie des actionnaires ou des investisseurs importants d'une telle société. Ne sont inscrits dans la base de données que des éléments pertinents pour apprécier la garantie d'une activité irréprochable. Il s'agit, par exemple, de données personnelles, d'extraits du registre du commerce, des poursuites et des faillites, de jugements des tribunaux pénaux, civils et administratifs, ainsi que des rapports des sociétés d'audit et des personnes mandatées par la ROHMA.
Les individus ayant commis des infractions importantes ou répétées à la législation sur les matières premières sont recensés sur une liste noire, publiée par la ROHMA. Ces individus ont l’interdiction de mener des activités dans le secteur suisse des matières premières ou d’agir comme directeur d’une société pour une période de cinq ans à partir de l’entrée en vigueur de cette décision.
Transparence des paiements
La loi sur les matières premières (LMAP) stipule que toute société assujettie doit publier chaque paiement versé à un gouvernement ou à une compagnie publique à partir de CHF 100'000 par le biais du formulaire TRA. Sont compris comme paiement les acquisitions de licence, les concessions, les accords de partage de production, les bonus de signature, les royalties, les impôts, les prêts gagés, les achats, les ventes et toute autre forme de transaction.
Outre le montant du paiement, les sociétés doivent divulguer, dans le cas d’un achat ou d’une vente, la date de la transaction, le volume et la qualité de la matière première ou du produit échangé. Elles doivent par ailleurs spécifier le récipiendaire exact du paiement, en fournissant les données permettant d’identifier sa destination (numéro de compte, banque, ayant droit économique, etc.).
Activités dans le domaine des matières premières soumises à l’obtention d’une licence
L’article 5 de la Loi sur les matières premières (LMAP) précise le type d’activités nécessitant l’octroi d’une licence par la ROHMA. Ces activités incluent : l’extraction (y compris les activités réalisées en surface, en profondeur, en mer ou par des procédés spécifiques – p. ex. «in situ leaching»), le raffinage, la fonte, le transport et les activités logistiques afférentes, le forage (p. ex. pétrolier), la culture, l’entreposage, la transformation, le négoce ou la distribution de matières premières physiques. Avant d’attribuer une licence, la ROHMA évalue notamment si la société dispose des compétences nécessaires à l’activité pour laquelle elle sollicite une autorisation ainsi que les dispositifs internes lui permettant d’assumer ses différents devoirs de diligence. Les sociétés au bénéfice d’une licence sont assujetties à la surveillance constante de la ROHMA.